Entre ceux qui n’osent plus prononcer le mot infertilité et les bien-intentionnés qui se prennent les pieds dans le tapis façon Lagaffe dans ses grands moments, dès que la conversation porte sur la grossesse et les bébés, vous voyez rouge. On vous comprend. Voici quelques réponses bien senties à leur envoyer. Avec le sourire. Et si vous en connaissez d’autres, on veut bien enrichir notre répertoire !
« C’est dans la tête, si t’arrêtais ta fixette, ça viendrait tout seul… »
Ben voyons. Si pour ne pas être enceinte, il suffit d’y penser tout le temps, autant arrêter la pilule, hein ? L’infertilité n’est pas que psychologique, même si on veut bien admettre que, parfois mais alors vraiment parfois c’est-à-dire pas si souvent, la névrose puisse être la meilleure contraception qui soit. Mais bon, il existe aussi des pathologies qui peuvent freiner les rouages. Je ne sais pas, moi : allez, au hasard, des ovaires polykystiques, un sperme aussi habité par des spermatozoïdes que notre planète par des aliens… Enfin quoi, tu le veux mon dossier médical, ou quoi ?
« Fais une FIV et pis voilà… »
Sûr. Et dire que je n’y avais pas pensé et le docteur non plus ! Qu’est-ce qu’on ferait sans toi ! Et d’ailleurs, c’est sûr que la FIV ça marche à tous les coups. Des chiffres ? 25% de tentatives qui aboutissent en moyenne. Avec quelques petits aléas en passant… les injections quotidiennes, les prises de sang 3 fois par semaine, les échographies endovaginales en veux-tu en voilà, les absences ou retards au boulot, la fatigue, chéri qui en ras la couette de se masturber en solo devant des magazines hot ? C’est sûr que c’est « et pis voilà… ».
« A ça, la pilule à tout va et voilà le résultat ! »
Si c’est grand-mémé qui vous chante ce refrain, encore, elle a un joker, l’arrière-grand-mère : son âge, son époque, ses neurones un peu en vrille avec l’âge. Mais la copine de bureau, là, non… Déjà qu’elle vous saoule avec les prouesses de sa petite dernière, elle va pas en remettre une louche sur les avantages du stérilet pour les nullipares (même si c’est vrai que c’est pas si mal) ou du coït interrompu… Faudrait qu’elle actualise ses connaissances (ou qu’elle partage ses bonnes feuilles avec le service de l’Inserm en charge de la recherche sur l’infertilité), la copine, parce que, selon les études scientifiques les plus complexes connues à ce jour, ben non, la pilule contraceptive ne rend pas stérile. D’ailleurs, qu’est-ce qu’elle en sait, la copine : c’est peut-être les spermatozoïdes de chéri qui sont à l’origine de nos soucis, non mais…
« Tu vas pas nous faire une déprime : un enfant, c’est pas la recette magique pour être heureux ! »
Qui a prétendu ça ? N’empêche que ceux qui disent ça, ils en ont, des mômes non ? Et ils les ont faits par pur masochisme ? Ils ne s’émerveillent jamais devant leur bonheur familial, les frimousses de leurs bébés et toussa, toussa… Oui, c’est vrai, on connaît tous des gens qui n’ont pas eu d’enfant et qui s’en félicitent. Sauf que c’était généralement leur choix et non pas une fatalité. Parce que, dans ce cas, désolée, mais si vraiment ça marche pas, eh bien, il va falloir faire le deuil de ce rêve légitime. Comment ça légitime ? Ben oui, légitime. Comme tout le monde. Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas, qu’on ne veut pas… Donc ne pas avoir d’enfant, c’est une souffrance qui doit être entendue et respectée. Non mais ! Et dire que celle qui me sort ça fait une déprime juste à cause de sa facture de syndic…
« Et pourquoi vous n’adoptez pas ? »
C’est sûr, on n’y avait pas pensé. Quand on espère avoir un enfant, on commence toujours par remplir un dossier d’agrément, avant même d’avoir exploré toutes les possibilités biologiques. Pas vous ? Ah non. Bon. Eh bien, oui, on y pensera peut-être un jour. Sauf qu’on sait bien, pour en entendre parler dans les salles d’attente des centres de PMA, que ce n’est pas si simple. Qu’il y a moins d’enfants à adopter en France que de couples en demande, que beaucoup de pays ont fermé leurs portes à l’adoption internationale, que l’enquête sociale, c’est pas de la tarte, que ce n’est pas non plus aussi simple que ça de se dire qu’on va accueillir un enfant qu’on n’a pas fait, qui n’est pas porteur de nos gènes, qui vient d’une autre histoire, dont on ne connaît pas l’hérédité, qu’on n’est pas sûr de pouvoir aimer autant qu’un enfant de notre chair. Et tutti quanti… D’ailleurs, si c’est si chouette, si facile, si évident, pourquoi les couples fertiles ne choisissent pas d’adopter eux aussi ? Rien ne le leur interdit pourtant ? Ah, oui, c’est le second choix, c’est ça ? Ben oui. Et ce n’est pas un choix facile même si on constate souvent autour de soi que c’est une des plus belles expériences au monde… de premier choix, en fait !
Mais il y a un temps pour tout : un temps pour espérer, un temps pour faire le deuil, un temps pour adopter, un temps pour oublier qu’on avait rêvé d’un enfant biologique devant la merveille qui est là, adoptée, et qu’on ne renierait pour rien au monde. Du temps, c’est juste ce qu’on vous demande… Pas des réflexions à la noix…