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Très grande prématurité : jusqu’où peuvent aller les soins ?

La très grande prématurité reste un sujet très sensible tant pour les parents que pour le personnel de santé en charge des services de néonatologie. Sont d’ailleurs considérés comme très grands prématurés les bébés qui naissent avant 28 SA. Le problème qui se pose la plupart du temps c’est si l’on doit, ou non, réanimer un bébé très prématuré. Les conséquences neurologiques et physiques peuvent être lourdes et le pronostic vital est bien souvent engagé. Mais comment procèdent ces services où la mort côtoie sans cesse la vie et où le combat vital est de chaque instant ? Faisons le point en France et aux Etats-Unis pour voir comment sont abordées les décisions médicales.

Une décision prise conjointement avec les parents

Dans le cas d’une très grande prématurité, la question de la viabilité trouve ses limites. Ainsi, doit-on réanimer ou simplement avoir recours à des soins palliatifs qui apaisent uniquement les douleurs psychiques et physiques du bébé ? La question est toujours délicate à poser aux parents mais les services du monde entier se battent pour améliorer sans cesse les décisions et l’accompagnement des parents. C’est le cas du centre périnatal de Portland, aux Etats-Unis, où une grande remise en question a été faite récemment et a été analysée par le docteur Jean-Marc Retbi pour le Journal International de Médecine.

Depuis l’ouverture du centre en 1996 et jusqu’en 2013, l’hôpital a comptabilisé 606 nouveau-nés vivants et non malformés sortis du ventre entre 22 et 26 semaines. Durant toute cette période, les professionnels de la santé refusaient de pratiquer la corticothérapie anténatale, les césariennes d’indication fœtale ou, surtout, la réanimation des nouveau-nés de 22 semaines. Globalement, les parents étaient consultés pour savoir s’ils désiraient faire appel aux soins intensifs néonataux à 23, 24 et 25 semaines. C’est donc collectivement qu’étaient prises les décisions, même s’il restait, à cette époque, des progrès à faire. Dans l’ensemble, les parents ont choisi de poursuivre des soins intensifs pour leur bébé même s’ils étaient de grands prématurés. Une autre part importante choisissait tout de même les soins palliatifs car le centre hésitait bien souvent à réanimer le bébé.

Comment faire évoluer le regard sur la réanimation

En moyenne, les pourcentages de cet hôpital sont clairs : 0% des bébés de 22 semaines étaient ranimés, 37% l’étaient à 23 semaines, 74% à 24 semaines, 96% à 25 semaines et 100 % à 26 semaines. Ainsi, il a été constaté que, dans la majorité des cas, les tous petits bébés nés entre 22 et 24 semaines ne bénéficiaient pas de réanimation qui leur permettait, peut-être, de survivre grâce à des soins intensifs allant de paire avec le processus. Même si ce n’est pas le cas dans tous les services ailleurs, cette pratique montre bien à quel point il a été important de faire un point sur les démarches à suivre dans ces cas d’extrêmes prématurités mais aussi de mieux appréhender la prise en charge douloureuse et émotionnelle des parents.

Depuis de 2015, ce centre de Portland a changé ses directives. Elles décrivent maintenant beaucoup plus la flexibilité des soins de 23 à 25 semaines en particulier. Il a été important de prouver que des options intermédiaires pouvaient être apportées afin d’éviter les soins palliatifs aux tous petits bébés en question. A 23 et 24 semaines, les bébés sont donc plus susceptibles de recevoir des soins intensifs qui permettent d’avoir un espoir sur les chances de survie de ces derniers. Comme le précise ainsi le docteur Jean-Marc Retbi, cet exemple d’évolution peut être imité afin d’améliorer la prise en charge de ces très grands prématurés.

En France, la démarche reste quasiment similaire

Dans notre pays, la prématurité touche environ 7% des naissances chaque année. En constante augmentation depuis 15 ans, ce phénomène touche annuellement entre 50 000 et 55 000 bébés. Plus les nourrissons sont gros, plus ils ont de chances de survivre aux soins nécessaires mais dans certains cas, les risques sont grands. Troubles du langage, de la motricité, de l’apprentissage mais aussi du comportement… Tous ces problèmes liés à la très grande prématurité doivent être anticipés par le corps médical et annoncés aux parents très inquiets. D’ailleurs, lorsqu’un bébé est considéré comme très grand prématuré, certains de ses organes ne sont pas encore développés, il est donc immature d’un point de vue biologique et il faut l’aider à respirer ainsi qu’à se nourrir.

En France, comme aux Etats-Unis, l’Académie nationale de médecine considère donc qu’après 25 SA, il est tout à fait possible de mettre en oeuvre des soins qui permettraient aux grands prématurés de survivre. Même s’il n’est pas considéré comme raisonnable de s’acharner, un espoir est possible tant pour le corps médical que pour les parents. Avant 25 SA, la décision leur appartient entièrement. Depuis 1980 en revanche, on découvre que contrairement à certains centres aux Etats-Unis, la corticothérapie anténatale peut réduire, entre autres, jusqu’à 50% les risques d’hémorragies intraventriculaires.

Un suivi psychologique des parents important

L’important en France reste avant de savoir comment informer correctement mais aussi accompagner les parents dans cette démarche très difficile à appréhender. Il faut que le corps médical soit clair quant aux prises en charge en salle d’accouchement, sur le pronostic en matière de mortalité mais aussi sur les mesures prises s’il y a besoin de réanimation. En cas d’échec, les parents doivent savoir qu’il peut y avoir de lourdes complications en période néonatale et que des séquelles majeures peuvent apparaître sur le long terme.


Il est possible pour les médecins de stopper les soins dans le cas où des difficultés d’adaptation à la vie extra utérine chez le nouveau-né en dessous de 25 SA se font sentir. Après 15 à 30 minutes de réanimation et que cette dernière est un échec, les médecins arrêtent cette dernière car le processus pourrait engendrer de trop lourdes conséquences sur le bébé alors même que ses chances de survie sont infimes. En ce qui concerne d’ailleurs la mortalité, environ 100% des bébés seraient concernés s’ils sont nés à 23 semaines ou moins et où leur poids ne dépasse pas les 500 grammes. Ce pourcentage passe à 50 après 25 SA, avec un poids supérieur à 500 grammes et augmente encore à 10% après 28 SA.

Un cas qui vient à l’encontre de la volonté des parents

Parfois, ce sont les parents qui doivent s’opposer à la volonté du corps médical de poursuivre les soins. L’histoire du petit Titouan, grand prématuré venu au monde 3 mois avant son terme, fait polémique depuis 2014. Le CHU de Poitiers, où la maman du bébé a accouché, découvre à la naissance que ce prématuré souffre d’une hémorragie cérébrale très grave. Les médecins savent qu’il sera handicapé mais veulent continuer les soins afin de voir à quel point le bébé sera impacté. Le problème, c’est que les parents ne veulent pas en entendre parler. Pour eux, il est hors de question que leur bébé soit maintenu en vie alors même qu’ils le savent gravement atteint et qu’il souffre probablement. De là démarre un dialogue de sourds et malgré les soins prodigués par le service hospitalier, le bébé meurt 18 jours après sa naissance. Au bout de cette lutte acharnée, les parents ont eu gain de cause. Pour eux, son état ne justifiait pas qu’il soit encore sous respirateur et il fallait à tout prix le débrancher. La veille de son décès, le bébé avait enfin reçu un traitement pour l’accompagner dans sa fin de vie selon la volonté de ses parents à laquelle le corps médical avait fini par accéder, mais l’histoire avait trop duré pour les parents. Ils ont qualité l’acte « d’acharnement thérapeutique » et ont donc poursuivi l’hôpital pour ces mêmes raisons.

Cette polémique vient donc remettre en question l’accompagnement des parents par le service hospitalier dans leur décision d’arrêter ou non les soins. Même si la décision doit être prise conjointement, il peut arriver que des affaires similaires éclatent où la volonté du corps médical l’emporte sur celle des parents du moins pendant un premier temps et que l’on découvre à quel point la situation, tant médicale qu’émotionnelle, est difficile à vivre pour les parents et leurs familles.

 

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