Jessica Zucker est une psychologue américaine spécialisée dans la reproduction et santé mentale des femmes au cours de la grossesse et de la maternité. En 2014, elle lance la campagne #IHadAMiscarriage grâce à un article publié dans le New York Times. Nous vous avions d’ailleurs parlé de certaines des actions mises en place dans le cadre de cette campagne. Que ce soit la mise en place d’un compte Instagram permettant aux femmes de parler de leurs fausses couches, ou encore la création d’une ligne d’accessoire sur le thème du bébé arc-en-ciel. Dans le cadre de sa dernière action, elle s’est associée à l’artiste Kimothy Joy pour créer une série d’artworks s’inspirant de la fausse couche et de la culture du silence qui l’entoure, disponible gratuitement sur la boutique de son site web. Pour Neuf Mois, cette psychologue a accepté de se nous parler un peu d’elle, de son combat et de sa campagne.
Pouvez-vous nous parler de votre campagne #IHadAMiscarriage et de son but ?
Le but principal de cette campagne est d’ouvrir le dialogue, d’arrêter de stigmatiser et de combattre la honte liée à la fausse couche et à la perte de l’enfant en bas âge. Chaque année la campagne s’attaque à différents aspects du problème qui participent à la persistance du silence entourant à la fausse couche. Je souhaite offrir aux gens un moyen de se connecter après leur perte, de façon concrète. Ainsi, les proches peuvent supporter les personnes en deuil de façon significative. C’est pourquoi j’ai créé une ligne de cartes traitant de la perte d’un bébé ou des fausses couches en 2015. C’est un moyen de remédier au commentaire trop souvent entendu « je ne savais pas quoi dire donc je n’ai rien dit ». En 2016, la campagne s’est concentrée sur les grossesses vécues après ces pertes au travers d’une ligne d’accessoires pour permettre aux gens de partager leur vécu. Si vous pensez que la fausse couche est passée sous silence maintenant, imaginez à l’époque ! Mon compte Instagram est devenu un lieu de partage pour les femmes qui y racontent leur histoire, un lieu de compassion et de connexion. Ce nouveau chapitre de la campagne est dédié à l’ouverture du dialogue, au changement des mentalités et à la stigmatisation entourant la fausse couche et la perte d’un bébé. On se concentre tout particulièrement sur la notion séculaire qui veut que les femmes ne devraient pas partager la nouvelle de leur grossesse avant la fin du premier trimestre, lorsque c’est plus sûr. Alors que celles ayant subi des fausses couches tardives savent que cette notion n’existe pas.
Quel est votre message pour les femmes ayant vécu une fausse couche ?
Je souhaite que les femmes puissent être soutenues peu importe l’issue de leur grossesse. Généralement la position adoptée face à une grossesse est de ne rien dire avant la fin du premier trimestre. L’idée est que l’on ne partage pas la bonne nouvelle dans le cas où cela se passe mal car ainsi on n’aura pas à partager la mauvaise nouvelle. Il faut repenser cette idée dans le but de renforcer les soutiens des femmes enceintes, quelle que soit l’issue de leur grossesse. Garder notre grossesse secrète contribue à la stigmatisation et pousse les femmes à étouffer leur chagrin et à rester silencieuse face à leur douleur. Pour moi la joie et le deuil peuvent vivre côte à côte et l’on ne doit s’isoler dans aucun de ces cas. La communauté doit accepter le fait que la fausse couche, les enfants mort-nés et la perte d’un bébé font partie du paysage, il n’y a pas de traitement face à cela. Et plus tôt sera mis en place un soutien, plus tôt on pourra combattre le sentiment de honte, d’isolation, d’aliénation, de culpabilité. Si plus de femmes partageaient leur vécu, celles qui passent par ces épreuves se sentiraient plus épaulées.
Comment votre vie a été affectée par votre combat ?
Quels sont vos attentes concernant votre nouvelle action parlant de la fausse couche ?
J’espère que ces artworks permettront d’éduquer les gens sur les différentes possibilités de la grossesse, de la perte et du deuil. Je souhaite qu’ils puissent permettre de valoriser et de soutenir les femmes, leurs proches et le personnel médical en engageant la conversation au sein de la communauté médicale et des gens en général. Mais aussi de faire évoluer les mentalités face à ces problèmes. Ces illustrations montrent l’émotion du deuil et de la joie, l’espoir et la vulnérabilité. En effet lorsque l’on se lance dans la création d’une vie, on laisse ouvert la possibilité de la perdre. Cependant, avec le soutien et l’écoute des autres on peut se lancer malgré la possibilité de ces expériences douloureuses.