La crise économique et les tensions sur le monde du travail imposent de plus en plus de programmer ses maternités, souvent à distance l’une de l’autre, ou a contrario très rapprochées pour optimiser le problème de mode de garde par un congé parental longue durée. Mais quand le rêve d’un second bébé nous prend alors qu’on n’a même pas encore accouché du premier, cette anticipation n’est pas toujours bien comprise par les papas et par l’entourage. Pourtant, est-elle si illégitime ? Le Pr Bertrand Cramer, pédopsychiatre*, répond à cette question.
Toutes les mamans ont-elles en tête un écart d’âge idéal entre le premier et le second enfant ?
Probablement et celui auquel elles pensent découle souvent de leur propre enfance. Elles ne choisiront pas le même écart si elles ont grandi avec joie dans une fratrie rapprochée en âge que si elles conservent des souvenirs aigris de leurs relations fraternelles. Dans ce cas, elles choisiront sans doute d’espacer. Cela peut être le cas pour une maman qui a souffert de n’avoir jamais de vêtements neufs car elle avait une sœur aînée dont elle héritait les tenues. Dans ce cas, elle peut choisir de mettre de la distance entre ses grossesses afin de pouvoir mieux accueillir chaque enfant. A contrario, celle qui a regretté d’avoir été enfant unique peut préférer avoir des enfants d’âges rapprochés.
Finalement, c’est surtout la mère qui choisit alors ?
Ce n’est pas la meilleure des solutions ! D’ailleurs, le père peut aussi exprimer ce même malaise. Les couples doivent en discuter ensemble, mais il faut reconnaître que c’est quand même souvent la femme qui prend la décision in fine, surtout lorsqu’elle travaille puisque c’est sa carrière qui va être impactée par ces naissances, successives ou espacées. En général, le père, tant qu’il est d’accord sur le projet d’enfant, laisse sa compagne décider du bon moment.
Quand les tensions naissent autour du projet familial, c’est parce que l’homme ne se projette pas de la même manière que la femme dans l’avenir et la parentalité. C’est souvent une question de mots choisis pour lancer et diriger le débat sur la question et également de moment, mais parfois le malaise est plus profond et si cela génère un conflit dans le couple, il ne faut pas hésiter à consulter un thérapeute.
Faut-il forcément penser à l’arrivée du second bébé en fonction du premier ?
Cela ne se passe pas forcément comme cela : tout dépend de la mère. Certaines n’hésitent pas à enchaîner les grossesses pour pouvoir passer à autre chose après l’étape couche-biberon. D’autres, plus perfectionnistes peut-être, attendent que l’aîné, autonome, entre à l’école. D’autres vont attendre 6 ou 10 ans : pour elles, l’importance de la fratrie est sans doute moins essentielle. Mais le père doit toujours avoir son mot à dire, au moment clé.
*A lire aussi, Enfants libre, ou enfant otage, de Bertrand Cramer, éd. Guide Poche (2014). Une réflexion intéressante sur la manière de protéger son enfant en cas de séparation du couple. Un vrai sujet d’actu, de nos jours.