Ça y est, j’y suis. Le sixième mois. Quelque deux cent jours et quelque quatre mille heures plus tard, je peux dire que le plus gros de ma grossesse est derrière moi… Enfin, quand je vois mon ventre, je dirais plutôt que le plus gros est devant moi. Et bien devant. Tellement devant que me baisser pour regarder le chiffre maudit sur ma balance, enfiler mon deuxième escarpin (ok, ma deuxième pantoufle) ou m’épiler les gambettes relève désormais de l’exploit.
Mon ventre, mon pauvre ventre
Dedans c’est Pearl Harbor, dehors c’est…oui, une pastèque. Un truc rond, gros, et couvert de stries : je n’ai pas trouvé plus ressemblant. Un ventre qui semble être le centre de toutes les attentions depuis quelques semaines : tout le monde y va de sa remarque, tout le monde le touche, voire l’embrasse… J’ai l’impression d’être un de ces bossus moyenâgeux dont on touchait la bosse parce que ça portait chance. Une bossue du ventre, en somme.
J’ai mal au dos, des crampes d’estomac, des hémorroïdes… Bref, toute la misère de ce pauvre monde semble peser sur mes deux jambes. Si j’ai un air crispé dans mon legging-kangourou, c’est sûrement parce que je suis (un peu) constipée et que, la grosse commission, ça fait deux semaines que je connais plus.
Mon dépistage pour le diabète gestationnel a lieu dans quelques jours
A savoir le Saint Graal qui va déterminer si, oui ou non, je peux continuer à ingurgiter ces cinq tablettes de chocolat goût pistache tous les quatre matins. J’ai d’ailleurs commandé une pièce montée chez le pâtissier du coin pour célébrer, à l’avance, ma réussite.
Le petit chauve dans mon ventre semble, lui, se porter à merveille
J’imagine que c’est l’important ! Et vas-y que je te fiche un coup de poing dans le ventre, et vas-y que j’te lance mon pied dans les reins. « C’est bon signe » selon le médecin. Oui, enfin, s’il pouvait arrêter de se prendre pour Mike Tyson toutes les nuits, ça serait aussi bien…
Je continue à travailler, et c’est pas toujours facile. Entre les regards lubriques des collègues mâles sur mon décolleté, les œillades accusatrices des secrétaires quand j’avale ma cinquième collation de la matinée et les moues sceptiques de ceux qui voient dans mes aller-retours aux toilettes un cinéma mal joué, j’ai souvent des envies de meurtre. Je vous épargne les blagues douteuses sur mon poids – du franc « Mais dis donc, tu vas bientôt dépasser le poids limite de l’ascenseur Josie ! » au mesquin « Elle a encore gonflé, la bouée du cinquième, non ? ».
Je prends mon mal en patience
Le congé maternité n’est plus très loin et je ne suis plus seule maintenant… Peu à peu, ce petit être fragile que j’ai vu à la dernière échographie s’immisce dans mon quotidien. Je lui parle de ce que je fais, je lui confie mes états d’âme, je lui fais subir mes chansons de Julien Clerc préférées. On fait des projets d’avenir et, du haut de ses 35 centimètres, j’ai presque l’impression qu’il me répond, avec ses mots à lui (hoquets, galipettes et coups en tout genre, mais c’est pas grave).
Au-delà des petits bobos et des gros tracas, je ne suis et ne serai plus jamais seule. Et ça, ça vaut toutes les vergetures du monde !