Tous les ans près de 60 000 enfants naissent prématurément en France. Ils sont placés en couveuse et n’obtiendront l’autorisation de sortie qu’après avoir attend le poids de 2 kilos. Parfois les parents découvrent dans les couveuses de leur bébé une petite pieuvre crochetée à la main, un véritable accessoire thérapeutique pour accompagner le nouveau-né dans ce périple de vie.
La découverte d’un joli cadeau pour Anaïs
Lorsque Anaïs, la maman gourmande du compte Instagram Parisianovores, découvre pour la première son bébé né prématurément dans sa couveuse, elle se demande si quelqu’un ne « s‘est pas gouré », car à côté de lui se tient une petite pieuvre, blanche et bleue, faite à la main. Elle raconte que cette pieuvre se tenait là, « au milieu de la sonde gastrique dans la bouche, de l’assistance respiratoire dans le nez » et des nombreux fils et électrodes qui aidaient Ismaël à affronter ses premiers moments de vie prématurée. L’histoire de cette pieuvre va lui être expliquée par l’infirmière : « une association [les confectionne et les envoie] dans les hôpitaux pour réconforter et tranquilliser les prématurés et bébés malades ».
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Les pieuvres, accessoire de support pour des milliers de bébés prématurés
C’est en 2014 que Jacqueline Vandrebeck, représentant l’Association des petites pieuvres, vient toquer à la porte de la cadre de santépuéricultrice responsable du service de néonatalogie de l’hôpital de Fontainebleau, premier hôpital français à intégrer les pieuvres dans les couveuses. Dans son sac, une pieuvre faite à la main, qui aurait déjà fait ces preuves au Danemark, au Pays-Bas et en Suède. Grâce à cet accessoire, les bébés ne s’agrippent plus aux fils qui sont dans la couveuse, mais aux tentacules de l’animal. Ils sont ainsi rassurés et plus calmes.
Marie-Catherine Pons-Thomas, cadre du santé puéricultrice de Fontainebleau, accepte au début sans grande conviction. Rapidement pourtant, l’équipe médical vient à en redemander. En effet, les bébés prématurés ont le réflexe d’agripper, qui comme le réflexe de succion les rassure et les apaise. On place l’accessoire à proximité de l’enfant et on le laisse attraper les tentacules. Les soignants observent alors que les bébés ne tirent plus sur les sondes gastriques, compliquées à installer.
Ce n’est pas un doudou ! Mme Pons-Thomas y tient « et ne remplace pas non plus la présence des parents », mais est donnée à « l’enfant qui en a besoin à un moment donné », qui peut être en difficulté en néonatalogie. « Tous les prématurés et tous les enfants n’en n’auront pas forcément ». La pieuvre s’implante dans une véritable réflexion autour de l’accompagnement individualisé de l’enfant. Elle aide à faire face aux stimulations extérieures, aux bruits des machines etc. Ce n’est pas un jouet mais un objet de transition, au plus proche de ce dont l’enfant a besoin. Il l’aide à progresser vers la sortie le plus sereinement possible.
La sécurité avant tout
Quand les pieuvres sont créées, elles sont d’abord mises à rudes épreuves. On tire sur les tentacules, on vérifie que ce soit le bon coton, on s’assure que tout tient. Ensuite, on lave à 60 degrés et on emballe dans des sachets uniques. Chaque service peut aussi exiger des normes spécifiques dont devront tenir comptes leur créatrice. « On ne rigole pas avec ça, si une pieuvre ne convient pas, on ne la prend pas » nous assure Jacqueline ! L’ambassadrice collecte alors chaque pieuvre et les emmène ensuite dans le service auquel elle est rattachée. Pour les hôpitaux participants, c’est un gage de qualité et surtout de sécurité. A Fontainebleau par exemple, la cadre de santé puéricultrice n’hésite pas à ajouter ses conditions. Les tentacules doivent avoir une taille très précise, la tête aussi et le coton devra être choisie parmi une liste restrictive. Pas de place à l’erreur. Elle demande qu’une seule et unique personne, « l’ambassadrice » lui fournisse les objets. « Elle est mon assurance que les pieuvres sont aux normes, elle engage sa responsabilité » nous affirme-t-elle avant d’ajouter qu’elle n’aurait pas de mal à tout arrêter si elle venait à s’en aller.
« Avoir une pieuvrite aigue »
La légende dirait que certaines de ces « bonnes fées » crocheteuses ont parfois du mal à s’arrêter de fabriquer les pieuvres. « Il faut en moyenne trois à quatre heures si on crochète bien, pour en terminer une » nous confie la représentante de l’association en France et il faut faire attention à toutes les normes de sécurité exigée par l’association et par les hôpitaux ! Parfois les pieuvres viennent avec une petite carte avec un mail si les parents veulent remercier leur fée, pour le reste tout est anonyme.
Aujourd’hui, le compteur du projet Petite Pieuvre Sensation Cocon indique déjà plus de 28 560 pieuvres distribuées dans 126 hôpitaux participants en France et 29 en Belgique. Le projet est une action bénévole et les pieuvres sont systématiquement données, insiste Jacqueline « elles ne sont pas vendre ! ». D’ailleurs, pour participer, pas forcément besoin d’être doué avec des crochets, « les gens peuvent nous faire des dons de coton parmi la liste présente sur notre site internet ». Tout le monde peut donc apporter son tentacule et aider les prématurés et leur famille à surmonter un moment délicat, un véritable combat pour la vie.