Bonjour la communauté Neuf Mois, je m’appelle Carole et j’apporte mon témoignage pour avoir vécu une césarienne en urgence. À l’age de 22 ans, j’ai été hospitalisée secteur grossesse pathologique suite à un hématome placentaire qui a provoqué des saignements. Pendant cette hospitalisation mon cas s’est aggravé… Ma tension a commencé à grimper, le dosage des protéines dans les urines a triplé en 48 heures. J’ai aussi fait de gros œdèmes (pieds, mains et ensuite visage). En 6 jours mon poids a augmenté de 5 kilos à cause de l’eau que mon corps n’éliminait plus. Le diagnostique de la pré-éclampsie était posé… Un monitoring de contrôle a été décisif : l’obstétricien de garde a été bipé car le cœur de mon bébé était en souffrance. De plus mon état se dégradait de minute en minute. À seulement 31 semaines et 3 jours ! L’obstétricien décidait alors de pratiquer une césarienne d’urgence.
Un petit bisou au futur papa et je suis emmenée d’urgence au bloc
J’ai vu le monde s’effondrer autour de moi : à peine le temps de faire un petit bisou à mon mari que je m’apprêtais à rentrer au bloc. Et on lui disait qu’il fallait croiser les doigts pour le bébé et moi… Pendant la césarienne, la sage-femme a emmené mon fils auprès du réanimateur néonatale sans que j’ai pu le voir ni l’entendre pleurer… L’urgence de son état était prioritaire. Mon fils Maxence est né un dimanche à 00 heure 24, pour 1,225 kg et 39 cm… Grand prématuré et en retard de croissance. J’ai ensuite été emmenée en salle de réveil loin du service de réa-néonatalogie. Pendant 27 heures j’ai fait de la tachycardie : encore une chose en plus, les reins en avaient pris un coup… Le lendemain, à 3 heures 30 du matin soit 27 heures après la césarienne, ils m’ont remonté dans ma chambre.
Quand tu te demandes où est ton fils et s’il va bien
Et c’est seulement le soir vers 17 heures que je suis montée en réa-néonatalogie avec l’aide de mon mari qui poussait mon fauteuil car je ne remarchais pas encore. Cette porte verrouillée par code… Je me suis demandée où était mon fils. La blouse, le masque, la charlotte et les sur-chaussures, le lavage des mains : le stress montait. Et là je l’ai vu, mon fils, ce tout petit être dans ce gros incubateur. Il était intubé, branché de partout pour les contrôles vitaux, saturation en oxygène, rythme cardiaque… Cette peau fripée sans graisse… Je ne l’ai pas reconnu. Cette rencontre fût bouleversante… Je ne me suis pas sentie maman.
Quand aucun sentiment maternel ne me traverse
Je vais peut-être choquer mais si on avait mis un bébé quelconque j’aurais ressenti la même chose. Ce sentiment de ne pas être à ma place. Ce sentiment de perte, mon bébé tant espéré et voulu : mais où était le bébé parfait de mes fantasmes ? Par la suite on nous a expliqué que Maxence avait eu une hémorragie trans-fontanelle suite a une thrombopénie sévère (chute des plaquettes, cause fréquente de la prématurité). Ils ont dû le transfuser deux fois. Les plaquettes sont remontées doucement, mais on nous disait toujours de vivre au jour le jour… Et c’est ce qu’on a fait. Émotionnellement, le cerveau fait le tri et ne nous en donne pas le choix : il occulte tous les soucis d’à coté… Chaque jour pendant 12 heures quasiment je suis venue voir mon fils. J’ai passé mon temps à lui faire les soins pour tenter de créer ce lien mère-enfant. Ce sentiment que l’on nomme comme étant viscéral. C’est ce que je croyais avant pour ma part !
Maxence rentre à la maison
Après deux mois d’hospitalisation Maxence a fini par rentrer à la maison. Nous étions angoissés à l’idée de ne plus être accompagnés dans ce moment si délicat. Le retour à la vie de famille a été très difficile pour moi. Je perdais vite pieds : j’ai fait une dépression post partum et j’ai été suivie par une psychiatre pour choc post-traumatique. J’étais sous anxiolytiques car je revivais ma césarienne sans cesse comme un drame, une opération, le vol de mon bébé, une perte de contrôle et non pas comme la naissance de mon enfant… Je me suis occupée de mon fils pendant toute ma dépression comme on s’occupe du bébé de sa voisine. J’ai mis 6 mois avant de me remettre de tout ça et de tisser un lien maternel. Mon mari m’aidait beaucoup et était très proche de notre fils. Et c’est Maxence avec ses petits yeux d’amour, ses progrès de chaque jour, ses premiers gazouillis, ses câlins qui m’a guéri. Il a soigné mon cœur en mal d’amour. Je me suis réveillée un matin comme si j’avais toujours aimé cet enfant !
Un petit bout plein de vie
Aujourd’hui Maxence est un bonhomme très vif et curieux de la vie, mais aussi très câlin et sensible… Sur le plan santé, il n’a gardé aucune séquelle sauf un léger asthme du nourrisson dû aux trois bronchiolites qu’ils nous a fait dans sa première année de vie. En conclusion je dirais que vivre une césarienne en urgence peu importe soit le contexte peut être un vrai traumatisme pour la maman, le lien avec l’enfant peut être plus ou moins coupé. Un suivi psychologique dès l’hospitalisation en maternité est essentiel pour aider ses mamans.