La France est un pays où les maisons de naissance ne sont pas encore légalisées. Même si de nombreux projets ont vu le jour, tout reste encore à faire. Aujourd’hui les associations comme « Comme A La Maison » (CALM) attendent avec impatience que le Sénat examine le texte de loi autorisant l’expérimentation des maisons de naissance en France. Pour mieux comprendre ce concept encore peu connu chez nous, Laure Delpierre, membre du conseil d’administration du CALM répond aux interrogations des futures mères.
Qu’est-ce qu’une maison de naissance ?
C’est un lieu d’accueil, de suivi de grossesse et d’accouchement. Celui-ci s’adresse aux femmes enceintes sans complication médicale qui souhaitent accoucher d’une façon plus proche de l’accouchement à domicile, c’est-à-dire de manière physiologique. Les sages-femmes, en tant que professionnelles autonomes, sont responsables de la maison de naissance. Elles y proposent un suivi que l’on appelle « accompagnement global à la naissance ». Le couple est en fait suivi par une seule et même sage-femme pendant toute la grossesse, l’accouchement et le post-partum. Il faut savoir que la maison de naissance est toujours partenaire d’une maternité, cela afin de faciliter un transfert en cas de besoin d’une plus grande médicalisation. Une maison de naissance c’est aussi un lieu de vie. Les parents viennent quand ils le souhaitent, pour se retrouver, échanger, entre eux ou poser toutes les questions qu’ils désirent aux sages-femmes.
A quoi servent les maisons de naissance ?
Les maisons de naissance servent à accompagner la naissance : avant, pendant, après. Elles ont été mises en place pour conduire des couples à la naissance de leur enfant dans une approche physiologique, personnalisée et relationnelle. Certes l’accouchement est un moment médical puisqu’il touche aux corps, mais c’est aussi un bouleversement personnel et familial qui doit être accompagné. Les sages-femmes ont les compétences médicales pour encadrer la naissance et savoir quand tout va bien, quand le suivi appartient au cadre de la physiologie ou quand cela en sort et rentre dans le pathologique. L’autre point fort dans une maison de naissance, c’est la disponibilité des sages-femmes. Elles prennent plus le temps de connaitre le couple et son entourage familial. Les maisons de naissance sont par ailleurs des lieux vivants. Ils servent à créer du lien entre parents, ce qui n’est pas toujours évident lorsqu’on est en fin de grossesse ou lorsque bébé arrive.
Existe-t-il des pays où les maisons de naissance sont légalisées ?
Oui, il en existe dans de nombreux pays. Sur le continent américain, les maisons de naissance (ou « birth centers ») sont implantées depuis 1975. Elles ont ensuite été légalisées au Québec, au Brésil et en Haïti. En Europe, elles existent depuis le milieu des années 80. Elles se sont développées en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suède, en Autriche, en Belgique et au Royaume Uni. Plus à l’Est, même le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande offrent aux femmes la possibilité d’accoucher en maison de naissance. La naissance est un évènement qui concentre l’intime et le culturel, c’est un sujet complexe. Son appréhension physiologique est sans doute plus ancrée dans les autres pays.
Pourquoi ouvrir des maisons de naissance en France ?
Aujourd’hui, il n’y a pas assez de diversité dans l’offre de soins en France, en particulier en ce qui concerne la maternité. Une femme enceinte est plus ou moins obligée d’aller à la maternité la plus proche, et de suivre un parcours standardisé. Suivre ce chemin c’est aussi multiplier les interlocuteurs (gynéco, sage-femme, infirmière, anesthésiste, pédiatre etc…). Aujourd’hui il y a pourtant de plus en plus de femmes qui souhaitent une approche plus personnalisée. Elle et leur conjoint cherchent à établir une relation de confiance avec une personne experte « médicalement » de la naissance. Et c’est ce qu’ils peuvent trouver grâce à l’accompagnement global proposé par les maisons de naissance. Seule une sage-femme sera leur référente pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum. C’est aussi cette personne qui dirigera, si nécessaire, vers d’autres praticiens. Ouvrir des maisons de naissance permet ainsi d’offrir aux couples s’ils le souhaitent d’un suivi physiologique encadré.
A quel type de future mère s’adressent les maisons de naissance ?
Seules les femmes qui ont une grossesse sans complication médicale peuvent prétendre à ce suivi. De plus, toutes les femmes ne souhaitent pas ce type de suivi et sont rassurées dans un environnement plus médicalisé.
Quel sera le cadre législatif de ces maisons de naissance ?
Pour que les maisons de naissance puissent fonctionner en France, il faut un cadre légal spécifique qui soit donné par une loi. Aujourd’hui une proposition de loi a été faite proposant l’expérimentation des maisons de naissance dans notre pays. Cette dernière sera d’ailleurs bientôt débattue au Sénat. Cette loi définit ce qu’est une maison de naissance, les conditions et l’organisation de cette expérimentation, le champ d’action des maisons de naissance (grossesse et accouchement physiologiques) et le financement des structures.
Que va-t-il se passer si le projet de loi est accepté au sénat le 28 février prochain ? Qu’est-ce qu’y va être mis en place ? Un projet expérimental ?
Si la proposition de loi est acceptée au Sénat, elle devra l’être ensuite à l’Assemblée Nationale. Les 2 chambres parlementaires doivent se mettre d’accord sur un même texte. Si ce texte est adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale, deux ans sont prévus pour autoriser des projets à faire partie de ce dispositif d’expérimentation. Ce dernier court sur 5 ans. Au terme de ces 5 années, une validation médico-économique des maisons de naissance sera faite. Ce qui permettra de valider leur fonctionnement en France et d’étendre leur nombre.
Combien aimeriez-vous ouvrir de maisons de naissance ? Où en particulier ?
Nous espérons qu’une fois l’expérimentation validée, des maisons de naissance ouvriront, afin que toutes les Françaises enceintes puissent avoir le choix du lieu de naissance de leur enfant. De nombreux projets existent en France…Nous rêvons du jour où, comme en Allemagne, il y aura 150 maisons de naissance dans notre pays.