Entretien avec le sociologue Hervé Levilain
L’ouvrage « Parents après 40 ans », écrit par deux sociologues : Marc Bessin et Hervé Levilain se penche sur la parentalité tardive. Un phénomène en plein essor lié souvent aux transformations du couple et de la famille. Hervé Levilain, sociologue et maître de conférences à l’université de Lorraine, nous a aidé à comprendre cette nouvelle tendance.
Quelques chiffres
Reprenant les données de l’INSEE, les deux sociologues montrent que le phénomène des maternités tardives n’est pas nouveau. C’est ainsi qu’en 1901, 6% des naissances sont attribuées à des mères de 40 ans et plus, alors qu’en 1972, elles ne représentent plus que 1,1%. Ces maternités tardives augmentent de nouveau à partir des années 1980 et atteignent 2,5 % des naissances en 1995 pour atteindre les 3% 10 ans plus tard. Cette évolution est liée aux transformations de la famille: au début du XIXe siècle, la famille nombreuse est la norme, avec une probabilité forte d’avoir un enfant à plus de 40 ans. Aujourd’hui les familles nombreuses sont moins fréquentes et la parentalité tardive est souvent liée à une recomposition familiale ou au fait que les couples retardent le moment d’avoir un enfant (qui est parfois leur premier).
Les stéréotypes qui prétendent expliquer la parentalité tardive
Selon Hervé Levilain, le fait d’être parent au delà de 40 ans donne lieu à plusieurs clichés qui parfois se combinent. Le premier met l’accent sur l’égoïsme supposée de la femme cadre, préoccupée par sa carrière, qui ne pense pas au seuil des 40 ans ou compte sur la PMA (Procréation médicalement assistée) pour dépasser cette limite. Le second préjugé est celui du jeunisme et qui ferait que dans notre société, on ferait moins attention aux normes d’âge. Mais dans les faits, la borne des 40 ans n’a pas disparu et reste encore fortement présente à l’esprit de beaucoup de femmes au contraire des hommes, qui sont moins concernés par cette limite et tendent dès lors à freiner davantage.
La famille en pleine mutation
L’augmentation de la parentalité tardive à la fin des années 70 correspond à une mutation en profondeur de la société française. La norme de la famille nombreuse tend à disparaitre. Le passage du couple à la famille prend aussi plus de temps et a changé de logique. On fait plus souvent des enfants dans le cadre d’un « projet » articulant vie de couple et engagements professionnels ou parfois militants. On peut avoir dans une vie plusieurs couples et plusieurs familles. Le paysage de la parentalité tardive s’est ainsi diversifié : on y trouve des familles recomposées (remise en couple après une première union), des couples « stables » ayant leur premier enfant après 40 ans mais parfois aussi des familles nombreuses où le « petit dernier » arrive avec un grand écart d’âge avec les cadets. Hervé Levilain explique que « les manières de faire la famille se sont transformées ».
Le désir d’enfant, un projet murement réfléchi
Grâce à la contraception, le couple contrôle le moment du passage à la famille ce qui permet aussi de vivre sa jeunesse, de connaître des expériences, de faire carrière. Ce n’est plus la nature qui guide le désir d’enfant, mais un projet, qui anime hommes et femmes et qui fait que le partenaire devient père ou mère. Hervé Levilain insiste sur le fait que les couples qui vivent une naissance tardive ne ressentent pas cette situation comme négative, mais au contraire comme un projet assumé. Ils disent avoir eu le temps de faire des choses. Conscients d’avoir fait un choix, parfois mal considéré par la société, ils s’engagent fortement. C’est encore plus vrai dans les familles recomposées où les pères sont souvent plus disponibles et ont déjà l’expérience des premiers enfants !
Parents après 40 ans : l’engagement familial à l’épreuve de l’âge.
Marc Bessin et Hervé Levilain
Editions autrement
Septembre 2012