La maladie de Crohn touche 120 000 personnes en France et même si la part des hommes atteints par cette maladie est à peu près proportionnelle à celle des femmes, il est néanmoins important de noter que la maladie est décelée avant tout chez des jeunes femmes. Chaque année, on dénombre de nouveaux cas compris entre 4 et 5 pour 100 000 habitants. Corinne Godefroy est atteinte par cette maladie. Cette auteure qui nous a beaucoup touchés a écrit un livre pour expliquer comment elle a dû gérer sa maladie et sa grossesse. Dans ce livre « La maladie de Crohn, ma grossesse et moi », elle se livre, sans tabou, avec émotion et tendresse. On découvre une femme combative qui est là pour conseiller et aider les femmes dans la même situation qu’elle, et elle le fait avec justesse et délicatesse. Pour Neuf Mois, elle a accepté de se livrer sur ce qu’elle a traversé et les raisons qui l’ont poussée à écrire toutes ces pages sur la maladie, des pages riches en informations et sur son projet de maternité.
Corinne, depuis combien de temps êtes-vous atteinte par la maladie de Crohn ?
La maladie de Crohn a été officiellement déclarée il y a presque 13 ans, une fois que j’ai donné naissance à ma fille et que j’ai pu faire tous les examens nécessaires que je ne pouvais pas faire enceinte. Mais je devais être porteuse certainement depuis de nombreuses années sans même le savoir. En effet, je ne connaissais pas cette maladie avant qu’elle « ne me tombe dessus » mais en y repensant, à bien des reprises j’ai dû avoir des crises, seulement je les associais toujours à des gastro-entérites, des fruits mal lavés ou des virus rien de plus.
Cette maladie vous a-t-elle compliqué la vie pour devenir maman ?
Devenir maman a été pour moi un long parcours semé d’embûches mais à priori sans rapport avec la maladie de Crohn. J’ai mis de longs mois avant de tomber enceinte, il a fallu que je passe par les phases de stimulation ovarienne, piqûres, insémination artificielle pour finalement tomber enceinte de façon naturelle après avoir tout arrêté car j’en avais marre d’un point de vue physique et psychologique. Mais à ce moment je ne savais pas que j’étais atteinte de la maladie de Crohn et que tout allait basculer.
Comment s’est déroulée votre grossesse, vous avez eu un parcours particulier pour le suivi ?
Les tous premiers mois ont été merveilleux, j’attendais tellement de vivre ces instants depuis si longtemps que je me sentais heureuse et épanouie et j’avais bien l’intention d’en profiter chaque jour pleinement ! Je n’avais pas particulièrement de nausées, le suivi médical était le même que n’importe quelle femme enceinte. A 5 mois ½ de grossesse j’ai commencé à être très malade avec des douleurs insupportables et les rendez-vous de médecin, gynécologue puis clinique et hôpital se sont enchaînés.
Comment viviez-vous votre grossesse ?
Du 6ème mois de grossesse jusqu’à la naissance de ma fille, j’ai vécu une grossesse vraiment difficile et compliquée. Tout s’entremêlait dans ma tête. Tout d’abord la souffrance car j’avais un abcès au ventre de la taille d’une orange (ce que je ne savais bien sûr pas au début), mes analyses de sang étaient très mauvaises puis la peur dans tous les sens du terme. La peur de ne pas savoir ce que j’avais, la peur de mourir, la peur d’imaginer ma fille avec une malformation et pire de la perdre… J’ai passé un grand nombre d’examens et de prises de sang, je n’en pouvais plus. Rester 2 mois ½ hospitalisée a été une épreuve, les journées étaient longues. Passer les fêtes de fin d’année loin de ma famille, moi qui suis très traditions de Noël, a été une période difficile. Il y avait la douleur physique mais aussi la douleur psychologique, je ne sais pas laquelle des deux était la plus insupportable !
Aviez-vous peur que votre enfant ait la même maladie ?
Très honnêtement je n’ai pas pensé que ma fille puisse avoir la même maladie. Ce qui m’importait lorsque j’étais enceinte, c’était déjà que je puisse la maintenir au chaud le plus longtemps possible dans mon ventre, chaque jour était une victoire ! J’avais surtout peur qu’elle naisse avec une malformation visible ou pas, ce qui m’importait était de la savoir en bonne santé. Par la suite, j’ai compris que la maladie de Crohn, en tant que maladie auto immune ne s’attrapait pas !
Suite à votre grossesse, vous avez décidé d’écrire un livre, comme un témoignage ?
Oui j’ai attendu plus de 12 ans avant de pouvoir coucher des mots sur des pages blanches. Pendant longtemps, il m’était difficile de parler de mon histoire sans avoir une boule au ventre et les larmes aux yeux. J’avais le sentiment de revivre tous ces moments de douleur et d’angoisse, juste le fait de retourner à l’hôpital m’était insupportable. Sans emploi depuis peu, je ne voulais pas rester inactive et je voulais profiter de ce temps que j’avais enfin pour moi pour exercer mon côté « créatif ». Et comme j’aime les mots, en cherchant ce que je pouvais écrire, c’est mon frère qui m’a soumis l’idée de raconter mon histoire « grossesse + Crohn ». Au début, je ne pensais écrire que 4 ou 5 pages juste pour moi, un peu comme un exutoire, puis les mots et les phrases sont venues naturellement. Et c’est en me relisant que je me suis dit que, d’une part ce livre allait permettre à ma fille de vraiment connaître mon histoire mais aussi que c’était le début de la sienne et d’autre part, que si mes péripéties et mes angoisses pouvaient aider d’autres femmes ce serait une belle revanche. D’autre part, je pense que cela peut aussi aider l’entourage des malades à mieux comprendre ce que les « crohniens » peuvent vivre tous les jours ! J’ai associé ma fille de 12 ans ½ à l’écriture de mon témoignage, puisque c’est elle qui m’a proposé de faire les illustrations de mon livre, elle s’est sentie investie dans l’histoire plus qu’il n’y parait ! Mon combat est désormais de faire connaître et reconnaître la maladie de Crohn comme une vraie maladie invalidante au travers des médias car si vous demandez autour de vous, trop peu de gens savent de quoi il s’agit !
Votre accouchement s’est déroulé comment ?
J’étais rentrée chez moi depuis 10 jours, l’opération s’était bien passée, la grosse période de stress était derrière moi alors lorsque j’ai perdu les eaux je suis restée très zen. Nous sommes tranquillement partis à l’hôpital, le samedi vers 13 heures mais l’attente a été longue puisque ma petite chipie s’est fait attendre jusqu’au dimanche 22 heures ! Je n’ai pas souvenir d’avoir souffert, j’ai pu avoir la péridurale, par contre je n’ai pas pu échapper à l’épisiotomie car bébé commençait à fatiguer. Dire que je n’ai pas eu de douleur suite à cela serait mentir mais vu les mois que je venais de passer dans la souffrance, ce n’était rien. Et ma jolie petite fille était là, rien n’était plus important.
Aujourd’hui qu’auriez-vous désiré changer dans la façon de gérer votre grossesse et dans votre suivi ?
Si c’était à refaire, j’aurais plus écouté mon instinct lorsqu’il me semblait que quelque chose n’était pas normal malgré ce que me disait la gynécologue. Et puis mon mari et moi aurions insisté pour être transféré dans le service de soins approprié, heureusement j’ai eu la chance d’être suivie par d’excellents médecins à l’hôpital intercommunal de Créteil. Pour le reste, ne connaissant rien à la maladie, ni les conséquences que cela pouvait avoir avec la grossesse, j’aurais fait confiance à la médecine tout pareil.
Quel est votre message aux futures mamans qui peut-être ont la même maladie ?
Si vous savez que vous êtes porteuses de la maladie de Crohn, surtout continuez votre traitement et écoutez bien les conseils des spécialistes qui vous suivent. Restez zen un maximum car le stress n’arrange rien. La maladie n’empêche pas de devenir maman heureusement. Pour les femmes qui ont des soucis de santé quels qu’ils soient ou qui ont la maladie de Crohn, gardez espoir, écoutez votre instinct de mère, n’hésitez pas à consulter dès les premiers symptômes et surtout faites-vous suivre par les bons spécialistes ! Prenez soin de vous, devenir maman est ce qu’il y a de plus magique au monde !
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