Vous avez probablement déjà entendu tout et son contraire concernant la consommation d’alcool pendant la grossesse, mais, en l’état des connaissances scientifiques actuelles, le message à retenir est : l’alcool pendant la grossesse, c’est tolérance zéro. Le docteur Thierry Harvey, gynécologue-obstétricien, nous a aidé à comprendre pourquoi, en nous révélant 5 choses qu’on ne nous avait encore jamais dites sur l’alcool pendant la grossesse. Comme ça, la prochaine fois qu’on nous dira qu’une petite coupe ne peut pas faire de mal, on pourra dire « Ah oui, vraiment ?« , avant de disserter sur le syndrome d’alcoolisation fœtale.
L’exposition in utero à l’alcool peut transformer bébé de manière irréversible
Dans la forme la plus sévère des troubles liés à l’alcoolisation fœtale (SAF), le bébé naît avec des malformations congénitales : le développement de son cœur, ses reins, son squelette, ses yeux, pourra être impacté par l’exposition à l’alcool, et les organes adopteront une structure irréversiblement anormale. Le bébé pourra naître avec un retard de croissance, qui pourra perdurer sous forme de nanisme. Le syndrome d’alcoolisation fœtale a également un visage : les bébés qui en sont victimes auront tendance à avoir un nez court, un menton sous-développé, des oreilles placées bas, des yeux légèrement bridés, pas de sillon sous-nasal, des lèvres minces…
Ces anomalies sont irréversibles. Si la toxicité de la consommation d’alcool sur le développement de l’embryon puis du fœtus est clairement identifiée, tous les bébés ne sont pas touchés de la même manière : il existe un effet de cause-conséquences, désigné par les médecins comme le spectre de l’alcoolisation fœtale. Certains y sont plus sensibles que d’autres, mais personne ne sait pourquoi, ni pourquoi d’une grossesse à l’autre, les conséquences peuvent être différentes chez la même mère avec la même consommation. C’est pour cela qu’il est recommandé de ne pas consommer du tout d’alcool pendant la grossesse.
L’alcoolisation fœtale n’a pas que des conséquences sur le développement physique de bébé
L’alcool modifie également le système nerveux du bébé : son cerveau pourra être sous-développé ou adopter une structure différente et son développement intellectuel et psychologique sera alors anormal. La microcéphalie, c’est-à-dire le développement insuffisant de la cavité crânienne et du cerveau, fait partie du spectre des troubles de l’alcoolisation fœtale. Mais les symptômes peuvent également être plus latents, et n’être révélés que lorsque l’enfant entrera à l’école et sera en contact avec d’autres enfants : un retard mental (difficultés de compréhension, d’apprentissage et de mémorisation) et/ou des troubles psychiatriques (difficultés d’adaptation sociale) et des troubles du comportement (hyperactivité) pourront se manifester.
Un accompagnement attentif et un suivi psychologique pourront permettre d’atténuer ces troubles. N’hésitez pas à vous plonger dans La tête en désordre, un petit livre écrit par Catherine Dartiguenave et Stéphanie Toutain, qui raconte le quotidien de plusieurs familles marquées par le syndrome : c’est une perle d’émotion et d’humour (mais qui ne doit bien sûr pas vous empêcher de protéger votre enfant par une abstinence totale d’alcool !).
Le syndrome d’alcoolisation fœtale est plutôt fréquent
En France, le syndrome d’alcoolisation fœtale est estimé à 0.8 naissance sur 1000, soit environ 600 enfants par an. Pour les formes incomplètes, l’incidence est estimée à environ 1% des naissances. D’après l’Agence Régionale de Santé de Haute-Normandie (2015), environ 500 000 Français souffrent de séquelles liées à l’alcoolisation fœtale. C’est la première cause non génétique de handicap mental en France.
Comme le spectre de l’alcoolisation fœtale est très large, et que certains symptômes latents peuvent être attribués à tort à d’autres causes, on considère que ces chiffres sous-estiment en fait la réalité : beaucoup de syndromes d’alcoolisation fœtale ne seront jamais correctement diagnostiqués.
Bébé peut développer une addiction à l’alcool
Quand maman boit une coupette ou un ballon, bébé est littéralement baigné dans l’alcool : la concentration d’alcool de son sang est sensiblement la même que celle du sang de sa maman. Mais le petit foie de bébé est incapable de métaboliser l’éthanol, c’est-à-dire de l’éliminer et de l’empêcher de se diffuser dans son corps. L’alcool reste donc présent dans le placenta, qui fait office de réservoir, jusqu’à ce que l’alcool repasse dans le sang de la maman.
Si la consommation d’alcool est régulière, le bébé sera donc extrêmement exposé à l’alcool et pourra développer une dépendance. Après sa naissance, il manifestera un syndrome d’abstinence : insomnie, irritabilité, diarrhées, vomissements, détresse respiratoire… Ces symptômes sont les manifestations d’une crise de manque et indiquent que bébé est en plein sevrage. Cette addiction pourra rester en lui, latente : les bébés exposés à l’alcool in utero ont plus de risques de devenir dépendants à l’alcool une fois adultes.
Cependant, cette dépendance à l’alcool ne doit absolument pas dissuader une future maman qui voudrait arrêter de boire de l’alcool une fois la grossesse entamée : contrairement aux autres drogues, il est recommandé de stopper net toute consommation d’alcool même si le fœtus a déjà été exposé. Tout arrêt, même provisoire, de la consommation d’alcool réduit significativement les risques pour le bébé.