Et si le sexe, l’accouchement et l’allaitement étaient trois points indissociables de la vie sexuelle ? C’est le parti pris du Dr Michel Odent, gynécologue-obstétricien, fervent soutien d’un accouchement physiologique et de l’allaitement.
1. Une seule hormone dispose au sexe, à l’accouchement et à l’allaitement, et c’est…
L’ocytocine, bien sûr. Cette hormone de l’amour, de l’attachement est indispensable au désir qui conduit au rapport sexuel, au désir d’enfant, au déclenchement de l’accouchement et à la montée de lait. Tout le plaisir que nous ressentons dans la sexualité, pendant la grossesse à sentir bébé grandir, à tenir notre nouveau-né dans les bras, à la mise au sein, c’est le boulot de l’ocytocine.
2. En allaitant, on produit une phéromone qui augmente le désir chez les femmes qui nous entourent
C’est une étude surprenante de l’Université de Chicago qui démontre que lorsqu’on allaite, mais aussi chez nos bébés allaités, se déclenche une phéromone qui va donner envie à notre entourage féminin de faire l’amour. Drôle, non ? Si, si, l’étude est très sérieuse. Et comment ils ont su ça, ces chercheurs ? Ils ont demandé aux femmes qui allaitent de poser des coussinets absorbants dans leur soutien-gorge et sous les aisselles. Les coussinets ont été récoltés et présentés plusieurs fois par jour à 45 femmes jeunes (18 à 35 ans), tandis que 45 autres reniflaient à la même fréquence des coussinets neutres. Dans un journal, les femmes devaient noter leurs ressentis (humeur, désir sexuel, fantasmes, rêveries sentimentales…). Les femmes qui reniflaient le coussinet neutre n’ont rien noté de particulier, alors que celles qui reniflaient le coussinet porté par une femme allaitante ont constaté une hausse de leur libido (ou de leur rêverie sentimentale ou érotique si elles étaient sans partenaire). Mais c’est ballot, ça ne marche pas pour celle qui allaite. Ce phéromone n’agit pas sur la libido de la femme qui allaite, peu active sexuellement en général au début de l’allaitement.
3. Les pères ne sont pas tous fans du sein nourricier
On s’en doute, devoir partager son joujou sexuel avec bébé, qui s’en sert comme garde-manger, cela peut être frustrant pour certains hommes. Pas pour tous. Mais pour ceux que cela dérange, cela peut provoquer une baisse de libido passagère ou plus durable, engendrer des échanges parfois rudes à entendre pour la maman sur la modification de ses seins, si le papa a toujours flashé sur les petits bonnets. Pendant l’acte sexuel, du lait peut s’échapper des seins notamment pendant l’orgasme et là , c’est la loterie : soit le papa flashe à fond, soit il cale… Mais du côté de la femme, il peut y avoir refus aussi que les seins soient un terrain de jeu érotique, soit parce qu’ils sont hypersensibles, ou sollicités toute la journée et que dans l’amour, la femme a envie d’une autre stimulation, soit parce que dans sa tête, ses seins, c’est pour bébé pour l’instant. Qu’importe… Dans ce cas comme pour tout malaise qui s’exprime autour de la sexualité, il ne faut pas hésiter à en parler avec une sage-femme conseillère en lactation, en solo ou/et en couple, afin d’apaiser les tensions et retrouver une complicité amoureuse.
4. L’allaitement ne retarde pas forcément la reprise de la sexualité
Depuis le Moyen-Âge, on parle de relevailles de quarante jours avant la reprise de la sexualité. Dans les faits, ça dépend des couples. Physiologiquement, il n’y a aucune raison de prétendre que ce délai de six semaines est nécessaire. Il est conseillé d’attendre que le col de l’utérus se soit refermé, mais c’est le cas en général dans les quinze jours qui suivent l’accouchement. Et si vous n’avez pas subi d’épisiotomie ou de déchirure, il n’y a aucune raison de ne pas vous faire plaisir. Ceci étant, si vous n’éprouvez aucun intérêt pour le sexe, ne culpabilisez pas. Beaucoup de jeunes mères se sentent totalement accaparées par leur maternage et leur bébé. Cette fusion peut effacer tout intérêt pour les relations sexuelles. Qui plus est, la mère qui allaite a un taux élevé de prolactine et une inhibition de la sécrétion d’œstrogène, de progestérone et de testostérone. Et ça peut durer un moment. Du coup, la montée du désir sexuel est plus lente et moins intense, et la lubrification moins abondante. Ça n’est pas très incitatif, ni très excitant tout ça. La plupart de ces problèmes disparaissaient avec le retour de couches, heureusement (mais celui-ci peut tarder en cas d’allaitement long !). Privilégiez la tendresse avec le papa, choyez-le et laissez-vous choyer. Mais parlez ensemble de ce désintérêt momentané pour la sexualité, afin de ne pas laisser s’installer la tension ni le doute sur la pérennité de votre relation de couple. Faites-vous aider par votre sage-femme ou par un thérapeute de couple si la situation s’installe dans la durée. Mais qu’est-ce que la durée ? Celle qui devient difficile à vivre au sein du couple. Et c’est à chaque couple de définir quelle durée a déjà trop duré.
5. Certains bébés ont le chic pour se faire entendre quand le rapprochement s’effectue
Et là , c’est pas pour dire, mais vous n’avez pas fini ! L’allaitement peut détourner une femme (et parfois un homme) de la sexualité pendant quelques mois. Mais pas seulement. C’est surtout la parentalité qui joue les trouble-fête. Dans la vie sexuelle de tous parents, il y aura des interruptions inopinées très frustrantes pendant de longues années. Et cela commence parfois très tôt. Certains bébés semblent avoir un radar pour dépister quand leurs parents se sentent attirés l’un par l’autre. Le cododo, tellement pratique et tendre quand on allaite bébé, peut être un frein à la reprise d’une vie sexuelle intense. Sauf que rien n’oblige à se montrer amoureux dans un plumard à l’heure du coucher. Le canapé, la buanderie, la chambre d’amis, la cuisine… laissez donc votre libido inventer des jeux amoureux étonnants à n’importe quelle heure du jour (ou de la nuit), cela ne refera que renforcer votre attirance l’un pour l’autre. Ou confiez bébé à sa mamie pendant deux heures… et plus si affinités. La bonne nouvelle, pour clore ce sujet, c’est que selon une étude américaine, 30% des femmes allaitantes interrogées ont constaté que leurs relations sexuelles s’étaient bonifiées avec l’allaitement et seules 2,5% constataient une dégradation de leur vie sexuelle, tout en reconnaissance que les difficultés étaient déjà existantes avant l’allaitement.
Sources études citées, LLB, Riss Escott, Vie de couple et allaitement dans une culture de biberons (2008).