Sage-femme en PMI pendant vingt ans, Ghislaine Kalman a accompagné de nombreuses futures mamans. Des pages de vie qu’elle raconte avec pudeur et respect dans Femmes des quartiers*. Aujourd’hui sage-femme libérale, elle enrichit sa pratique des leçons d’hier et nous rappelle que la PMI accueille toutes les familles, quelles qu’elles soient, pour les accompagner dans leur vie avec leur enfant. Une aide précieuse !
La PMI n’est-elle pas surtout destinée aux femmes en situation de précarité ?
Pas forcément ! En PMI, nous recevons copie des déclarations de grossesse et nous envoyons des courriers aux futures mères répondant à certains profils : grossesses avant 20 ans ou après 40 ans, grossesses multiples. Ces profils ont souvent besoin de conseils et c’est que nous leur proposons.
Les sages-femmes de PMI sont toutes affiliées à un hôpital qui suivra la grossesse des futures mères qui s’adressent à la PMI et nous mandatera pour effectuer le suivi à domicile. Si nous recevons principalement des femmes en situation de précarité, c’est parce que les autres disposent d’un suivi ailleurs. Mais toute femme enceinte qui a besoin d’être écoutée ou conseillée peut venir dans un centre de PMI.
Vous avez suivi des femmes de différents milieux : la grossesse est-elle un dénominateur commun ou un socle de différenciation ?
J’ai constaté que toutes les futures mères ont besoin qu’on leur raconte la vie de leur bébé dans leur ventre. Elles ont toutes envie qu’on leur parle de leur grossesse. C’est peut-être plus fort chez les femmes des quartiers très populaires parce qu’elles ne trouvent pas cette écoute chez elles contrairement aux femmes socialement mieux insérées. Mais quelles que soient leurs origines, les futures mamans assument !
Pourtant la pression est forte aujourd’hui, que ce soit économiquement et culturellement pour celles des quartiers, ou physiquement et moralement pour les autres en raison de la tension vie-pro/vie-perso ou de la culpabilisation autour de l’allaitement ou de l’accouchement idéal… Mais les femmes enceintes ont toutes les mêmes attentes : qu’on les aide à rêver leur bébé !
Ce bébé rêvé est-il encore possible alors qu’on sait tout, qu’on voit tout avec l’échographie ?
C’est un point qui mérite qu’on s’y arrête en effet. Avec l’échographie, on a une connaissance et une approche du fœtus plus concrète et c’est indispensable car cela permet bien des dépistages. Mais il faudrait une meilleure mise en perspective des informations reçues. L’échographie n’est pas une photo du bébé or beaucoup de mères le vivent ainsi. Elles disent notamment « Mon bébé pèse tant… » alors qu’on ne leur a donné qu’une estimation ! Il faut rêver le futur bébé, pas le dessiner !
L’évolution de la technique risque de nous emmener vers des dérapages, comme la sélection du sexe et tout ce qui peut s’en suivre et qui relève de l’eugénisme. Or, dans certains quartiers, fille ou garçon, ce n’est pas perçu du tout pareil ! Mon livre le démontre : beaucoup de femmes enceintes, dans les quartiers désignés comme difficiles, sont victimes de violence et d’oppression. Mais cela peut toucher tous les milieux.
Les sages-femmes, en PMI, à l’hôpital ou en libéral, sont là pour les écouter et les orienter vers les bons intervenants, sociaux ou médicaux, afin qu’une solution puisse être envisagée.
Femmes des quartiers est paru aux éditions L’Artilleur, 10 euros.