Des pots de vin pour décourager l’allaitement… C’est ce qu’ont reçu 12 pédiatres italiens placés en détention depuis le vendredi 21 novembre par les autorités italiennes. Ces derniers auraient reçu des cadeaux à hauteur de centaines de milliers d’euros de la part de représentants d’entreprises spécialisées dans le lait infantile pour les nourrissons. Smartphones, ordinateurs, voyages, excursions en famille à Paris, New-York, même à Istanbul… Les vendeurs de lait infantile n’ont pas lésiné sur l’argent à mettre sur la table pour faire vendre leurs produits par des médecins de la sphère la petite enfance, employés par le système de santé italien. « Il n’y a d’ailleurs pas d’adjectifs pour décrire la gravité de ces actes », a expliqué dans un communiqué officiel Beatrice Lorenzin, le ministre de la santé italien. Une pratique qui serait, d’après les représentants de l’ordre italiens, « une pratique courante et répandue », nous apprend l’agence de presse Reuters ainsi que le site d’informations Corriere Della Sera. A savoir, le taux d’allaitement maternel en Italie figure parmi les plus hauts d’Europe (75% à la maternité et 66% à 4 mois vs 70% en France et moins de 30% à 4 mois), ce qui explique pourquoi les marques de lait infantile italiennes ont ressenti le besoin d’un petit coup de pouce pour augmenter leurs ventes.Selon les médias italiens, un pédiatre de l’hôpital de la Riviera Ligure à La Spezia, un autre de la ville de Piombino, un autre médecin travaillant pour l’hôpital Saint-Joseph à Empoli ainsi que des pédiatres installés à Pise et alentours seraient impliqués dans cette affaire de corruption. Parmi les sociétés impliquées dans cette affaire de pots de vin, figureraient la Dietetic Metabolic Food, la société italienne Mellin, basée à Milan ainsi que l’entreprise Humana Italia.
Un tel scandale possible en France ?
Depuis que l’Organisation mondiale de la santé s’est prononcée en faveur d’un allaitement exclusif de 6 mois, un Code international de commercialisation des laits infantiles a été élaboré en 1981. Qui encadre la bonne pratique mais n’interdit rien car ce Code ne peut se substituer aux réglementations nationales et européennes. Il sert juste de point d’ancrage pour celles-ci. En France, la loi 94-442 du 3 juin 1994 dont le décret d’application 98-688 est paru le 30 juillet 1998, interdit la publicité autour des laits infantiles premier âge. De même, ce texte, soutenu par la Société Française de pédiatrie, interdit aux maternités de recevoir gratuitement des laits infantiles et d’en offrir une boîte aux mamans, ce qu’on appelait autrefois « les tours de lait en maternité », chaque marque prenant son tour pour promouvoir ainsi ses produits. La plupart des pays européens engagés dans la promotion de l’allaitement, et notamment l’Italie, ont légiféré dans le même sens. Les pédiatres italiens interpellés sont donc allés à l’encontre des indications recommandées par l’État italien en incitant très fortement les mères à utiliser du lait en poudre plutôt que d’allaiter leurs enfants.
Alors, un tel scandale est-il possible en France ? Il est toujours possible de trouver ici ou là des brebis galeuses qui passent au-dessus des lois. Mais la législation et l’implication de la Société Française de pédiatrie ainsi que de la COFAM (Coordination française pour l’Allaitement maternel) dans laquelle sont impliqués de nombreux pédiatres rendent cette perspective peu probable. Par ailleurs, la France, comme de nombreux pays, a décidé d’encadrer la pratique des cadeaux offerts par les laboratoires aux praticiens de santé. En France, la loi du 27 janvier 1993, renforcée par un article du Code de la Santé publique (L. 4113-6) interdit de recevoir, sous quelque forme que ce soit, des cadeaux par des sociétés produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale. Certes, le lait infantile ne l’est pas, mais la réglementation européenne sur la promotion de l’allaitement, soutenue par les Sociétés de pédiatrie, ainsi que l’interpellation des professionnels de santé sur la nécessité d’une réelle indépendance vis à vis du secteur marchand, est un rempart contre les dérives inacceptables comme celle qui vient d’être mise à jour en Italie. Et la réaction des autorités italiennes semble démontrer que le temps de la tolérance à ces pratiques mercantiles est désormais révolu. Ironie du sort, c’est à Florence en Italie qu’a été signée* en 1990 la Déclaration d’Innocenti qui rappelle l’importance globale de l’allaitement et les responsabilités qui incombent à tous les gouvernements de mettre en œuvre des programmes pour promouvoir, protéger et soutenir l’allaitement…
* par 10 agences de l’ONU et 32 pays dont l’Italie…