Les grands et très grands prématurés, nés avant 32 semaines d’aménorrhée, ont un taux de mortalité très élevé et de grands risques de souffrir de séquelles neurologiques ou physiques. Leur prise en charge représente donc un défi majeur pour la médecine néonatale. Pourtant, une étude publiée ce mercredi 6 juillet dans le British Medical Journal pointe du doigt une insuffisance des soins apportés aux bébés nés avant 32 semaines. D’après les chercheurs, quatre réflexes communément acceptés comme augmentant les chances de survie des nouveau-nés sont encore sous-utilisés dans l’Union Européenne.
Des protocoles médicaux efficaces mais encore sous-utilisés
Cette étude a été réalisée à partir du projet EPICE (Effective Perinatal Intensive Care in Europe), qui observe depuis 2011 la prise en charge des grands et très grands prématurés dans 11 pays de l’Union européenne, dont la France.
Les chercheurs ont identifié quatre pratiques augmentant significativement les chances de survie des bébés et faisant l’objet d’un consensus scientifique. Tout d’abord, le transfert des femmes enceintes dans des centres spécialisés dans l’accueil des grands prématurés (en France, les maternités de niveau 3). Ensuite, l’administration prénatale de corticostéroïdes, qui aide les poumons du bébé à se développer. La prévention de l’hypothermie diminue également le taux de mortalité. Enfin, l’administration de surfactant et la ventilation nasale sont deux gestes améliorant la fonction respiratoire du nourrisson, et donc ses chances de survie.
Si 75 à 89% des grands prématurés des pays étudiés bénéficient de l’une de ces pratiques, seuls 58,3% d’entre eux les ont reçues toutes les quatre. En France, dans le Nord-Pas-de-Calais et l’Ile-de-France, moins de la moitié des bébés grands et très grands prématurés ont pu recevoir l’ensemble de ces pratiques. Pour les chercheurs, le bilan de ce défaut de prise en charge est lourd : ils ont estimé que la mortalité aurait pu être réduite de 18% si l’ensemble de ces mesures était systématiquement déployé.
Une offre de soins néonatals qui résiste aux changements ?
D’après les chercheurs, des barrières organisationnelles, culturelles et personnelles peuvent entraîner une forme de permanence des pratiques médicales. Certains médecins pourront ainsi résister à l’arrivée de nouveaux protocoles (par manque de moyen ou de formation) alors même que ces derniers sont approuvés par la communauté scientifique. En France, on peut également regretter la mauvaise répartition des maternités de niveau 3, qui crée des inégalités géographiques. C’est également un problème éthique : certains médecins peuvent choisir de ne pas réanimer des nourrissons jugés « trop fragiles« , d’après le professeur Oliver Claris, néonatologue lyonnais interrogé par Pourquoi Docteur.
Pourtant, d’après les chercheurs, l’utilisation généralisée de ces quatre pratiques diminueraient le taux de mortalité sans augmenter le taux de morbidité, c’est-à-dire le nombre de bébés souffrant de séquelles physiques ou neurologiques graves (surdité, retard mental, déficit de la vision, troubles de la motricité).
Pour le professeur Peter Davis, néonatologue au Royal Women’s Hospital de Melbourne (Australie), qui s’est exprimé dans un éditorial, l’utilisation de ces pratiques est étonnamment basse pour des pays développés. « Importer les soins dont l’efficacité est avérée dans les pratiques médicales est une priorité absolue pour les familles des bébés prématurés, et pour les professionnels qui les prennent en charge« , a-t-il conclu.
Espérons donc que l’offre de soins saura donc s’adapter plus rapidement aux nouvelles donnes théoriques.